Notes de lecture: Décadence de Michel Onfray

Notes de lecture.

Un bon livre un peu long, un peu répétitif à l’intérieur des chapitres, mais un éventail de sujets, une ampleur démonstrative tout à fait admirable.
J’écris ce qui suit de mémoire de quelques jours, je me trompe sûrement sur certains détails. Et peut-être que je mets dans la bouche d’Onfray mes propres idées. Soyez averti. La seule façon de voir clair sur ce que dit Onfray, c’est de lire Onfray.

Quelle est sa thèse générale? Que nous vivons un âge de décadence civilisationnelle, la décadence de la civilisation chrétienne comme religion dominante. En filigrane, l’ascendance de l’islam comme religion mondiale, imposant ses valeurs aux autres civilisations. Onfray embrasse large.

Il commence fort en niant l’existence de Jésus (il n’est pas le seul, il a des sources) en tant qu’homme ayant vécu une vie telle que racontée dans le Nouveau Testament, en insistant sur le caractère désincarné, conceptuel des descriptions à son sujet. Il n’y a aucun détail sur son aspect physique, c’est comme si on avait effacé tout lien avec un corps. Onfray précise avoir développé cette idée ailleurs, dans son Traité d’athéologie.

Puis Onfray montre comment le christianisme a suivi le « schéma du vivant », naissance, croissance, apogée, décroissance, mort. Ce n’est pas sa description, il segmente un peu plus, mais l’idée est la même : pour tout être vivant ou produit du vivant, il y a naissance et il y a mort, une fin, une disparition. Le christianisme n’échappe pas à cette fatalité. Et nous assistons aujourd’hui à son délitement, à sa lente agonie, en voie d’être écartelé par l’islam et la science. Mais l’islam n’échappera pas non plus à ce cycle. Et la science? La science peut-elle se fatiguer?
Il faut comprendre que l’émergence du christianisme aux tendances hippies (les agapes) laisse rapidement place à une conquête organisée et sans pitié du territoire religieux mondiale. Et qui dit conquête dit violence, domination et sang. Et c’est ce que nous devons à Constantin qui légitime la violence contre les païens au nom de la religion de l’amour universelle.

Onfray situe à peu de chose près le début de la fin avec la pensée de Montaigne. Et avec la Réforme, le christianisme se dévore lui-même et perd sa cohésion monolithique. Cette guerre intestine a été féroce, comme les morts de la Saint-Barthélémy le savent maintenant trop bien.

Il y a des pages intéressantes sur Montaigne, sur ses mensonges à propos de sa rencontre avec les Sauvages, sur Érasme, sur les premiers penseurs modernes, sur comment ils dynamitent chacun à sa manière les fondements du christianisme et de ses alliés moraux. Avec Montaigne, on navigue entre fidéisme et déisme, concepts importants car ils définissent le type de pouvoir que se permet Dieu sur Terre. Règle-t-il les moindres détails de nos vies, étant ainsi responsable du mal au quotidien, ou bien prend-il ses distances de la gestion intimiste, laissant les choses se dérouler, n’étant plus responsable de la manière dont l’homme est apparu ni du mal qu’il subit? Le pouvoir de Dieu s’incarne-t-il en quelques personnes sur Terre, les monarques de droit divin, trônant aux sommets de hiérarchies politiques et sociales inspirées du monothéisme? L’intérêt renouvelé pour les principes humanistes, qui conduisent à réclamer la démocratie ébranlera notre compréhension de l’extension temporelle du pouvoir de Dieu.

Onfray analyse aussi la Révolution française pour montrer que cette orgie de violences antiaristocratique, anticléricale, a été justifiée par écrit par ceux qui disaient parler au nom du peuple. Il fallait « exterminer ». Mais Onfray pose la question : dix ans plus tard, que reste-t-il pour le peuple? La bourgeoisie s’est emparée d’une partie des terres délaissées par les aristocrates guillotinés. Le peuple travaille maintenant pour des aristocrates ou des bourgeois. Le Révolution française n’a pas conduit à de meilleures conditions de vie pour le peuple. Cet alibi camoufle le fait que la révolution se nourrit du ressentiment du peuple, ce n’est donc pas elle qui contribue à son soulagement. Au contraire, elle cherche à perpétuer les conditions propices au ressentiment du peuple. La Révolution a fini par manger ceux qui l’avaient déclenchée.

Je ne retiens pas tout, certaines analyses me semblent parfois alambiquées.

À lire, mais en butinant selon ses intérêts. Il y a en a pour tous les goûts.


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