Je dois avouer que c’est la formule nietzschéenne (originalement de Pindare) que je trouve la plus énigmatique. Devenir ce que l’on est déjà, cela ne fait pas de sens, il y a une contradiction. On ne peut demander de prendre le chemin pour se rendre quelque part où l’on est déjà arrivé. Se rendre là on l’on est déjà. Contradiction. Incompréhension. Énigme.
Deviens ce que tu es destiné à être. C’est une première interprétation. Être destiné à être, c’est la même chose qu’être tout court, car nous sommes toujours le résultat d’une nécessité. Nous devons accepter cette nécessité, ce « destin ».
« Deviens ce que tu a appris à être », c’est la formule originale pindarique. Au sens où ta société (famille, amis, etc.) te détermine à être quelque chose, quelqu’un, à posséder et cultiver certains talents qui te rendent meilleurs que les autres. Mais pour les atteindre, il faut nécessairement faire des efforts.
Deux choses: la nécessité de l’effort et la conscience d’un but différent, plus grand, une vocation qui nous appelle. Il faut vouloir ce qui nous pousse à nous dépasser. Cela peut être différent pour chacun.
Chez Nietzsche, nous sommes pas tant ce que la société nous a destiné à être, mais plutôt ce que la nature nous a destiné.
C’est en vertu de qualités naturelles que l’on est individuel, et c’est à la condition de les amener à maturité que l’on peut devenir soi.
Nicolas Quérini, « « Deviens ce que tu es » », Les Cahiers philosophiques de Strasbourg [En ligne], 40 | 2016, mis en ligne le 03 décembre 2018, consulté le 26 janvier 2024. URL : http://journals.openedition.org/cps/354 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cps.354
Mais on ne peut les mener à maturité sans en être conscient. Devenir ce que l’on est, c’est devenir ce dont nous sommes conscients de devoir devenir. Mais la conscience est-elle nécessaire? Oui, mais simplement à titre d’épiphénomène. Bien sûr, cet épiphénomène peut nous renseigner sur (notre attitude et) notre acceptation de ce que la nature décide pour nous. On peut toujours y aller avec entrain ou à notre corps défendant.
Prendre les moyens pour être ce que l’on est destiné à être.
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